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Planche XXV: aliéné enchainé à Bedlam

L'usage des chaînes est très-ancien. Alexandre de Tralles veut qu'on lie les fous; Coelius Aurelianus, Celse, Galien, autorisent les chaînes; dans la description que Léon l'Africain a laissée de la ville de Feez, on trouve un hospice pour les fous, avec des cachots et des chaines. Jusqu'à l'année 1794, les fous étaient enchaînés partout en Europe. On n'imaginait pas qu'on dut mieux faire. Pinel brisa les chaînes qui flétrissaient, qui mutilaient, qui irritaient ces malheureux. Quatre-vingts aliénés de Bicêtre furent déchaînés; tous les autres aliénés furent traités avec plus de douceur; on ne distribua plus des nerfs de bœuf aux garçons de service. De ce changement, il résulta que plusieurs fous, regardés comme incurables, guérirent, et que tous les autres furent plus tranquilles et plus faciles à diriger. La France est la première nation qui présentât et qui offre encore la réunion de près de trois mille aliénés renfermés dans les trois établissements publics et dans les maisons de Paris, contenus sans chaînes, sans coups, sans mauvais traitements. Cependant le docteur Monro, interrogé devant le comité de la chambre des communes, s'il convenait d'enchaîner les fous, répondit que les gentils- hommes ne devraient point être enchaînés, mais que les chaînes étaient nécessaires pour les pauvres et dans les établissements publics. Et c'est en Angleterre que pareille réponse et pareille distinction ont été faites ! Un administrateur de Bedlam m'a assuré que les chaînes étaient, de tous les moyens pour contenir les furieux, le plus sur, et celui qui les gênait le moins. Aussi, dans le nouveau Bedlam, on avait établi une chaîne à chaque lit : heureusement qu'après avoir visité les établissements de Paris, les visiteurs firent ordonner la suppression des chaînes. Qu'est-il arrivé, lorsqu'on brisa les chaînes à Bedlam ? Ce qui avait eu lieu dix-huit ans avant à Bicêtre : les aliénés de Bedlam sont devenus plus calmes, plus dociles, et plusieurs ont guéri. L'usage et l’abus des chaînes n'ont été portés, nulle part, plus loin qu'en Angleterre. Un officier de marine, N..., convalescent avait menacé Haslam, il fut enchaîné - il se débarrassait des menottes et des liens ordinaires; on fit venir, de Newgate, une machine en fer du poids de vingt-trois livres. Cet infortuné était pris par le cou, par les pieds ; le tronc était contenu par une ceinture de fer, à laquelle les mains étaient fixées; le collier et la ceinture, à l'aide d'un anneau soudé à une chaîne de dix pouces, glissaient le long d'une barre de fer scellée perpendiculairement au plafond et au plancher. Ce malheureux ne pouvait s'étendre sur son lit et a vécu ainsi pendant neuf ans. La planche XXV représente cet horrible appareil. 

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